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Détente / Contes / Arabe

Contes Mythes et Légendes N° : 196

Belle comme la lune


1) L'on raconte qu'aux temps anciens, il était une jeune femme très belle, aussi belle que la lune. Et cette femme, les nuits de pleine lune, se fardait, peignait et parfumait ses longs cheveux, revêtait ses habits les plus riches, se parait de tous ses bijoux et sortait. Pour mieux découvrir le ciel, elle gagnait une hauteur. Et là, elle levait son visage resplendissant vers la lune et lui demandait : Qui de nous est la belle, Ô lune, qui de nous est la belle ? Et la lune lui répondait : Toi et moi sommes également belles, mais la fille que tu portes en toi nous passera en beauté. Et la jeune femme se lamentait et maudissait l'enfant qui était dans son sein. Pendant des mois, elle se tourna ainsi vers la lune pour lui demander : Qui de nous est la belle, Ô lune, qui de nous est la belle ? Et chaque fois la lune répondait : Toi et moi sommes également belles, mais la fille que tu portes en toi nous passera en beauté. Au terme de sa grossesse, elle mit au monde une fille à la chevelure d'or, une fille aussi belle que lune en plein ciel. On l'appela Jedjiga : Fleur. Chaque jour augmentait sa beauté. Les voisines disaient à sa mère : Certes, belle tu l'es. Mais la beauté de ta fille éclipsera

2) la tienne. Et la jeune femme, en entendant ses mots, sentait le poignard de la jalousie la transpercer. Elle se dit dans son cœur : Lorsque cette enfant sera devenue adolescente, nul ne me regardera plus. L'enfant avait huit ans. Elle était pleine de vie et de grâce. Sa mère lui dit un soir : Demain, nous mettrons sur le métier une grande couverture. Nous irons planter les montants dans la campagne. La voisine nous accompagnera. Au matin, elle prit deux montants bien solides et une grosse pelote de laine. Elle appela la voisine et toutes deux partirent emmenant la fillette. Elles laissèrent le village loin derrière elles et atteignirent une colline. Elles s'arrêtèrent. La mère dit alors à l'enfant : Nous allons enfoncer les montants dans la terre. Toi, tu feras courir la laine entre nous. Te voici grande, tu pourras bien tenir la pelote ? La mère savait bien ce qu'elle faisait. La fillette se mit à faire courir la laine. Plus vite ! Plus vite ! lui dit sa mère. La pelote était lourde. Elle s'échappa des mains de l'enfant et se mit à rouler. Cours et rattrape-la ! Cria la mère. L'enfant s'élança. La mère coupa le fil et la pelote roula plus vite, encore plus vite, entraînant Jedjigha vers

3) le ravin. Puis brusquement, la pelote disparût. La fillette la chercha vainement dans les ronces et les buissons. Revenir en arrière ?... Elle avait perdu son chemin. Alors elle marcha au hasard sur ses petites jambes. Elle marcha longtemps, elle marcha jusqu'à l'orée de la forêt. C'est alors qu'elle découvrit, à demi-masquée par une épaisse végétation, l'entrée d'une caverne. Elle se fraya un passage et entra. La caverne était profonde. Lorsqu'elle eut fait quelques pas et qu'elle se fût habituée à la pénombre, l'enfant vit, enroulé sur lui-même comme un énorme bracelet, un serpent. Elle poussa un cri. Il dressa la tête, ouvrit les yeux comme des étoiles et la regarda. Il regarda la petite fille que Dieu seul avait pu créer. La course avait rendu son visage semblable à une rose ; les épines avaient égratigné ses pieds et ses mains. Ses vêtements étaient déchirés. Tant de beauté éblouit le serpent ; tant de grâce et de faiblesse l'émut. Il remercia Dieu dans son cœur. L'enfant tremblait. Il lui dit : Ne crains rien, je ne te ferai aucun mal. Mais dis-moi, petite fille, ce qui t'a conduite jusqu'à moi. Elle était sur le point de pleurer mais entendant le serpent lui parler dans un langage

4) humain, elle se sentit rassurée. Elle lui dit : Je tenais une pelote de laine : elle était lourde. Elle est tombée de mes mains et elle a roulé, roulé. Je l'ai suivie...Je l'ai perdue de vue et j'ai continué à marcher jusqu'ici. Il prit de l'eau pour lui laver le visage, les mains et les pieds. Il la fit asseoir et lui servit à manger. Elle mangea de la galette de blé et but du lait. Dans un endroit bien abrité, il lui étendit une couche et l'y conduisit pour qu'elle se reposât. Il faut dire que ce serpent n'était pas un véritable serpent. D'abord, il avait commencé par être un homme heureux : il possédait une maison, une femme, de nombreux champs et toutes sortes de biens et de richesses. Mais une nuit, par mégarde, il marcha sur un serpent. Ce serpent le regarda, se dressa et lui soufflant son haleine au visage, lui dit : Tu m'as écrasé. Tu deviendras serpent comme moi et tu le resteras tant que je vivrai, afin que les hommes te foulent aux pieds ! C'est ainsi qu'il fut changé en serpent. Il abandonna sa famille, sa maison et tous ses biens. Il déserta le monde et se réfugia dans la forêt. Il se rapprocha des bêtes, se mit à vivre à leur façon, à se nourrir de chair et de sang. Mais si

5) son corps était celui d'un serpent, son cœur et son esprit étaient restés ceux d'un homme. Il n'avait fui ses semblables que dans la crainte d'être écrasé par eux. Mais la solitude lui était amère. Elle le minait. Depuis longtemps il n'avait vu l'ombre d'un être humain lorsque lui apparût la fillette. C'est pourquoi, à la vue de son visage de rose et de ses petits membres fatigués, le cœur du serpent se fondit de tendresse. L'enfant s'était endormie. Il sortit, tua deux perdrix, cueillit des légumes et des fruits, et rentra. Il alluma le feu, mit en train le repas et alla réveiller la fillette. Il lui demanda avec douceur : Quel est ton nom ? Quel est le nom de ton village et celui de tes parents pour que je te conduise vers eux ? Elle répondit : Je m'appelle Jedjiga, mais je ne sais ni le nom de mes parents ni celui de mon village. Le serpent qui ne pouvait reparaître aux yeux des humains se tut. Il réfléchit longuement, promena ses regards autour de lui et finit par dire : Tu resteras ici jusqu'à ce que Dieu t'ouvre un chemin. J'épouse ta faim et ta soif : tu seras mon enfant. Mais tu devras m'obéir et ne jamais dépasser le seuil de la caverne. Nous sommes ici dans le royaume des bêtes

6) ; il pourrait t'arriver malheur si tu t'aventurais. Le serpent l'éleva. Il fut pour elle à la fois un père et une mère. Il lui apprit à préparer les repas et à aimer l'ordre. Il la combla, l'entoura de tendresse. Elle lui obéit tant qu'elle était petite ; devenue adolescente, elle connut l'ennui. Elle eut la nostalgie du ciel, du soleil. Elle voulut découvrir le monde. Le serpent la laissait souvent seule pour aller chasser et couper du bois : elle mit à profit ces absences. Tout d'abord elle se contenta de regarder timidement au travers des hautes herbes et des branches qui cachaient l'entrée de la caverne. Et puis elle s'aventura au dehors. Mais elle rentrait toujours avant que le serpent ne revint. Un jour, un bûcheron l'aperçut et fut émerveillé. Comme il approchait pour la mieux considérer, elle disparut. De retour au village, il raconta son aventure à qui voulait l'entendre : J'allais couper du bois dans la forêt lorsque je vis sortir de terre une créature, une créature... une nappe d'or la couvrait jusqu'aux pieds. La lumière qui en émanait m'éblouit. Sans doute était-ce la fée gardienne de la forêt ? Je voulus m'approcher pour voir son visage, mais elle avait déjà disparu ! Cette

7) histoire, de l'un à l'autre colportée, arriva aux oreilles du prince qui n'hésita pas à interroger le bûcheron. Prince, répondit le bûcheron, une créature m'est bien apparue à l'orée de la forêt. Elle était debout, contre un arbre. Etait-ce un ange, une fée ?... Son visage défiait la lumière. Une nappe d'or l'habillait. Quand je voulus regarder de plus près, je m'aperçus qu'elle n'était plus là ! Demain, au point du jour, tu me conduiras où elle t'est apparue, dit le prince. Le lendemain, la jeune fille finit par se montrer à l'entrée de la caverne. La nappe d'or qui l'habillait, c'étaient ses cheveux. Et c'est tout ce que virent d'elle le prince et le bûcheron qui la guettaient à travers le feuillage. Le prince décida de rester seul pour savoir si l'étrange créature était mortelle ou fée. La jeune fille demeura longtemps sur le seuil et puis elle rentra. Peu après, le prince vit cette chose qui le stupéfia : le serpent qui avançait debout, portant des légumes, des fruits et du gibier car, lorsqu'il était chargé, il ne rampait pas ! Le serpent déjeuna, fit la sieste (c'était l'été) et sortit à la fraîcheur pour faire sa promenade. Alors, le prince put approcher de la caverne et

8) contempler la jeune fille. Elle se tenait appuyée à un arbre, et elle portait à sa bouche des grains de raisin. Il pensa : "puisqu'elle mange, je puis l'aborder !" Il écarta les branches et lui dit en s'avançant : Au nom de Dieu, je t'en prie, dis-moi qui tu es, créature ! Elle répondit : Je suis un être comme toi. Je suis la fille du serpent. Il la regarda tandis qu'elle parlait, s'émerveillant de son visage épanoui comme une rose. Il l'interrogea sur son village, sur ses parents. Elle répondit : C'est ici, dans cette caverne, que j'ai vécu et grandi. Le serpent m'a élevée : je suis sa fille. Mais c'est à son insu que je sors. Ne va pas le lui dire, ni lui raconter que tu m'as vue surtout ! Et elle rentra. Le prince s'en alla trouver son père ; il lui déclara : Je veux épouser la fille du serpent. Le roi s'indigna. Le prince tomba malade d'un grand mal. La fièvre ne le quitta ni jour ni nuit. Le roi finit par demander : Mon fils, qu'est-ce qui te guérirait ? Laisse-moi épouser la fille du serpent, dit le prince, et tu verras que je guérirai. Comme le prince dépérissait de jour en jour, le roi céda. Il se rendit chez le serpent et lui dit : Donne-moi ta fille pour mon fils. Le serpent

9) répondit : Roi, il y a sept ans qu'elle est venue à moi. Je l'ai élevée comme ma fille. Elle m'est plus chère que le haut-ciel. Mais puisque, ô roi, tu la veux, la voici : je te la confie. Comble-la de présents et veille sur elle comme je l'ai fait moi-même jusqu'ici. Quant à moi, je ne te demanderai qu'une chose : une outre de sang. Le jour où elle devait se séparer de lui pour suivre le roi à la cour, le serpent dit à la jeune fille : Va ma fille, sois vaillante, va et ne regarde surtout pas en arrière mais toujours en avant ! Elle monta une jument toute caparaçonnée de soie et le roi l'escorta. Mais au bout d'un moment elle s'écria : J'ai oublié mon peigne ! Elle descendit de sa monture et courut vers la caverne où elle surprit le serpent en train de se repaître de sang. Elle le vit changer d'expression. Il lui dit, tout honteux : Ne t'avais-je pas recommandé de ne pas revenir en arrière ?...Tu t'en repentiras ! Elle s'en retourna tout effrayée vers le roi. Elle vécut heureuse à la cour durant quelques mois. Le prince, son mari l'aimait tendrement. A la grande joie de toute la famille royale, elle mit au monde un enfant aux cheveux d'or, un enfant à sa ressemblance. Elle garda le lit

10) quarante jours et puis, un matin, elle se leva pour se mêler à la vie de la cour. Lorsqu'elle revint vers l'enfant, il avait disparu. On le chercha partout, on remua ciel et terre pour le retrouver mais en vain. L'année suivante, elle eut un nouvel enfant, un enfant comme le premier, à la belle chevelure d'or. Au bout de quarante jours, il disparut aussi. Le roi et la reine dirent alors à leur fils : Remarie-toi ! Quel bien peut-il nous venir de la fille du serpent ? Mais le prince qui mettait son espoir en Dieu répondit à la reine et au roi : J'ai choisi Jedjiga pour elle-même et non pour les enfants qu'elle me donnerait. La jeune princesse eut successivement sept garçons, sept garçons à la chevelure d'or qui tous, lui furent ravis quarante jours après leur naissance. Elle fut surnommée : "celle qui croque ses enfants". Mais le prince l'aimait toujours. Huit ans s'étaient écoulés depuis que Jedjiga avait quitté la caverne du serpent pour la cour du roi quand un soir, elle dit au prince : Demain, conduis-moi vers mon père, afin qu'il me pardonne... Il fit selon son désir. Comme ils arrivaient près de la caverne, le prince et la princesse virent six petits garçons aux cheveux d'or qui

11) jouaient et se poursuivaient de façon charmante. Un vieillard élevait dans ses bras le septième enfant aux cheveux d'or. La princesse cherchait des yeux le serpent. Alors le vieillard s'avança et lui dit : Ne le cherche pas, c'est moi. Il y a longtemps, une nuit, j'ai marché sur un serpent par mégarde. Il s'est vengé en me rendant serpent comme lui. Mais il est mort et son pouvoir sur moi est mort. Il dit encore : Le jour où tu m'as quitté pour aller vers ton époux, je t'avais recommandé de ne pas revenir en arrière. Tu es revenue et tu m'as surpris en train de boire du sang. Tu m'as humilié et je t'ai dit : "Tu t'en repentiras". Il tendit à la princesse le bébé qu'il avait dans les bras et se tourna vers le prince : C'est moi, prince, qui suis venu chercher tes enfants les uns après les autres pour punir ma fille. Je les ai élevés avec tendresse, comme j'ai élevé leur mère. Sept fois, prince, tu t'es trouvé devant un berceau vide et tu n'as pas humilié ma fille. Tu l'as aimée au contraire et tu l'as protégée. Voici tes enfants... je te les rends. Et il poussa vers lui les six enfants aux cheveux d'or. Mon conte est comme un ruisseau, je l'ai conté à des seigneurs...


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Contes Mythes et Légendes N° : 194

Histoire de la reine serpent


1) Il y avait autrefois, au temps où les hommes étaient avisés un sage érudit du nom de Daniel, qui longtemps avait espéré un fils. Mais enfin son rêve se réalisa, il était hélas bien vieux et tout près de lair. Avant d'être emporté vers l'au-delà, il fait venir son épouse et « Hélas C'est maintenant qu'il me faut vous quitter toi et l'enfant qui va naître. J'ai peu de biens à lui laisser en héritage, mais puisse-tu avec l'aide d'Allah, lui donner le goût et l'envie de s'instruire et d'acquérir la sagesse... » Hasib naquit peu après la mort de son père. Respectant la volonté du défunt, sa mère accorda la plus haute importance à son éducation et à son instruction et l'envoya à l'école dès l'âge de cinq ans. Mais Hasib ne ressemblait en rien à son père ; à l'école il était toujours le dernier, et paraissait incapable d'apprendre un métier. Sa mère était désespérée et ne savait plus que faire de lui lorsque quelques bûcherons de ses voisins lui proposèrent de l'emmener avec eux couper les arbres de la forêt. A la grande surprise de tous, ce travail a l'air de plaire à Hasib. Infatigable, il aide

2) à couper le bois et à le transporter, si bien que les bûcherons, fort contents de lui, lui proposent de travailler avec eux. Un jour, en pleine forêt, ils sont surpris par un orage et vont chercher refuge dans une grotte obscure en attendant que la pluie cesse. Assis dans un coin, à l'écart des autres, Hasib s'amuse à donner des coups de hache dans les énormes blocs de pierre qui sont à ses pieds. Étonné par les sons creux que cela produit, et pensant que sans doute ces pierres dissimulent quelque ouverture, il entreprend de les déplacer, et là, il ne peut retenir un cri en découvrant juste au-dessous de lui, une sorte de niche d'où s'échappe une délicieuse odeur de miel... Aussitôt les bûcherons se précipitent, et l'un d'entre eux glisse sa main dans l'ouverture; ses doigts s'enfoncent dans une substance épaisse et poisseuse aucun doute, Hasib vient de découvrir un plein bassin de miel... Les bûcherons ne perdent pas une minute pour profiter de l'aubaine et en tirer avantage. Ils courent chez eux chercher des jarres, des bassines de cuivre et tout ce qu'ils peuvent trouver, et tandis qu'Hasib

3) garde l'entrée de la grotte, ils vont et viennent, remplissant leurs récipients et vendant le miel jusqu'à la dernière goutte. De simples bûcherons qu'ils étaient, ils deviennent en quelques jours marchands, et c'est seulement alors qu'ils pensent à récompenser Hasib : c'était lui qui avait trouvé le miel. "Il n'y a qu'une chose à faire", dit le plus vieux d'entre eux après avoir longtemps réfléchi. « Il faut se débarrasser de lui. » Et tous les autres approuvèrent, car s'ils étaient devenus riches, ils étaient aussi devenus méchants et cupides... Mettant à exécution leur funeste projet, ils proposent dès le lendemain à Hasib de le faire descendre au bout d'une corde dans le trou, pour en retirer les dernières gouttes de miel, et dès que ses pieds ont touché le fond, ils lâchent la corde, referment l'ouverture à l'aide de blocs de pierre, et s'en retournent à la ville en pleurant et en criant que le pauvre Hasib est mort, dévoré par les loups. Or, tandis que sa mère sanglote et se lamente de la perte de son fils unique, Hasib, assis au fond du trou, cherche désespérément un moyen de

4) s'échapper ; enfin ses yeux rencontrent dans l'obscurité un faible rayon de lumière sur l'une des parois du trou. Comme il se dirige à tâtons vers cette lueur tremblotante, ses doigts rencontrent un pan de la paroi mal ajusté et qui semble céder facilement par une simple pression des mains. En fait Hasib a bientôt les mains en sang tant il est obligé de pousser pour finalement voir s'élargir le mince filet de lumière. Voyant ses efforts récompensés, il s'acharne de plus belle la paroi finit par céder et par lui laisser assez de place pour pouvoir passer... Il se trouve alors dans un étroit passage bien éclairé qui conduit à une immense porte de fer toute noire derrière laquelle brille une autre porte en argent ciselé fermée par une clef d'or... Hasib fait jouer la clef dans la serrure et ouvre la porte : là, devant lui, s'étend un lac d'un vert magnifique, si étincelant qu'il peut à peine le regarder. Or ce n'est pas un lac ordinaire. Et ce n'est pas la surface de l'eau qui brille d'un éclat aussi pur, mais une multitude d'émeraudes au milieu desquelles s'élève un trône d'or entouré d'une centaine

5) de tout petits sièges Hasib essaye de les compter, mais à bout de forces, il se laisse bientôt envahir par le sommeil. Qui sait depuis combien de temps il dort lorsqu'il est réveillé par d'étranges sifflements, comme s'il était entouré de milliers de serpents ... Hélas, il ne s'agit pas de milliers de serpents mais plutôt de dizaines de milliers. Ils sont assis sur les petits sièges et se balancent d'un côté et de l'autre, leurs méchants yeux noirs fixés sur lui... Au milieu, sur le trône, un serpent à visage de jeune fille le regarde et l'interpelle : « Ne crains rien, Hasib. Ta destinée est liée à la mienne, et je ne te ferai aucun mal. Je suis la reine serpent, et je dois t'enseigner la sagesse car tel est mon destin ; tu ne pourras retourner parmi les tiens que lorsque tu seras suffisamment sage et instruit... » Hasib se demande un instant s'il n'est pas en train de faire un cauchemar, mais quand la reine lui fait apporter des fruits et de quoi se restaurer, il reprend confiance, et lui raconte ce qui lui est arrivé. « Tu ne connais pas encore les hommes », lui dit la reine quand il a

6) terminé. « Désormais il te faudra m'écouter et apprendre jusqu'à ce que le monde commence à te manquer... » Ainsi deux années s'écoulent, pendant lesquelles Hasib découvre et apprend toute la sagesse du monde, avant qu'enfin il ne se souvienne de sa maison et de sa mère. Alors il confie à la reine son désir de quitter le royaume des serpents pour s'en aller retrouver le monde. « Je savais que tu voudrais repartir un jour », lui dit la reine, « car c'est dans l'ordre des choses. Mais tu dois me promettre, car ma vie en dépend, de ne jamais entrer dans un bain public ni te montrer nu à qui que ce soit. »Hasib accepte, sans toutefois comprendre, l'étrange requête de la reine, puis celle-ci le reconduit à travers les nombreuses galeries jusqu'à la surface de la terre, après l'avoir comblé de cadeaux. Aussitôt Hasib se hâte d'aller embrasser sa mère qui se met à pleurer de joie en le voyant en vie et en bonne santé, elle qui l'avait cru mort... Même les bûcherons, qui sont maintenant devenus de riches marchands, lui font bon accueil et chacun d'eux lui donne une partie de sa fortune ;

7) ainsi Hasib devient en peu de temps un homme fort respecté. Aussi quoi de plus naturel qu'Hasib devienne très vite un habitué de la cour du sultan ? Tous l'admirent pour l'étendue de ses connaissances, et il n'a que des amis excepté le vizir Schumur qui le jalouse secrètement... Or un jour, le sultan Karazdan contracte la lèpre, et personne pas même Hasîb, malgré son savoir, n'est en mesure de le soigner. Il advient alors dans le même temps que le vizir Schumur invite Hasib dans son hammam personnel... Celui-ci, bien qu'il ait toujours respecté le désir de la reine serpent, se trouve cette fois dans l'impossibilité de refuser l'invitation. Que dire au vizir ? Il se rend donc au hammam, mais dès qu'il s'est déshabillé le vizir appelle ses gardes et le fait saisir. "Persistes-tu toujours à dire que tu ne connais aucun remède à la maladie du sultan ? "lui dit-il, et il ajoute « Tu as la peau de l'abdomen, seuls ceux qui ont été initiés par la reine serpent portent cette marque ». « Et quel rapport avec la maladie du sultan ? » demande Hasib étonné. « Je constate que tu n'es pas aussi instruit qu'on

8) le dit », explique le vizir, « car il est écrit dans tous les livres qu'on ne peut guérir un lépreux qu'en lui faisant absorber un morceau de chair cuite de la reine serpent... Et comme tu es la seule personne qui sache où se trouve son royaume, tu vas immédiatement nous y conduire sinon le sultan mourra ainsi que toi-même. » Le malheureux Hasib ne peut qu'obéir, et il conduit le vizir et ses gardes jusqu'à la grotte. Très vite il retrouve les galeries et les passages et arrive bientôt à la porte d'argent où l'attend déjà la reine. « Je sais ce qui t'amène, Hasib », lui dit-elle en l'accueillant, « et je sais aussi que je dois mourir, bien que j'aie tout fait pour empêcher un destin si cruel. Ne crains rien et emmène-moi au palais du sultan. » A la grande stupéfaction des gardes, Hasib soulève la reine serpent dans ses bras et la conduit jusqu'au palais. Là, le vizir se hâte dans la chambre du sultan pour lui annoncer la bonne nouvelle, laissant la reine un instant seule avec Hasib. « Ecoute », lui dit-elle alors, « ce sont sans doute mes dernières paroles... Le vizir Schumur a fait le projet

9) de te tuer. Quand il m'aura coupée en morceaux, il me mettra à cuire, et te demandera alors de recueillir l'écume dans une petite bouteille. Garde celle-ci précieusement, car peu après il te demandera de remplir une deuxième bouteille identique, prends bien garde de ne pas boire de celle-là ... » A peine a-t-elle achevé sa phrase que le vizir revient avec un large couteau à la lame tranchante. Et tout se passe exactement comme elle l'a dit. Ainsi, au moment venu, le vizir dit à Hasib « Donne-moi la première bouteille d'écume, et toi prends la seconde. Trinquons ensemble pour devenir les plus sages parmi les sages...» Hasib, suivant les derniers conseils de la pauvre reine serpent, lui tend alors la deuxième bouteille. Mais dès que Schumur avale la première gorgée il tombe raide mort, pris à son propre piège... Quant au sultan Karazdan, il recouvre peu à peu la santé après avoir absorbé la chair de serpent, et une fois complètement rétabli il fait d'Hasib son grand vizir, car qui dans le royaume pourrait montrer plus de sagesse que celui qui a appris de la reine serpent elle-même?...


Contes arabes



Corne d'or et corne d'argent




1) Il y a très longtemps de cela, il y avait un roi qui s'était marié une première fois, puis une deuxième fois mais sans jamais réussir à avoir un enfant. Il était très inquiet parce qu'il vieillissait et qu'il craignait de laisser son trône vide. A l'époque, il n'était pas possible pour un roi de ne pas avoir de garçon… C'est ainsi qu'il décida de prendre une troisième épouse. Il organisa encore une fois, un grand mariage comme seuls les rois savent le faire. Au bout de quarante jours et quarante nuits, lorsque les festivités prirent fin, il réunit ses trois épouses et leur dit : "Mes chères épouses, je vous aime et je vous respecte toutes les trois, je vous traiterai de la même manière sans jamais favoriser l'une d'entre vous. Mais vous, qu'êtes-vous capables de faire pour moi, pour me prouver votre amour ?" "Moi, je pourrai faire du pain pour tout le royaume avec un seul grain de blé", lui dit la première. "Moi, je pourrai te faire le plus beau burnous avec un seul fil de laine", lui dit la deuxième. "Moi, j'aimerai te donner un garçon avec une corne d'or et une corne d'argent", lui

2) dit la troisième. Le roi très heureux leur répondit en riant : "J'espère que vous pourrez réaliser tous ces vœux pour moi. En attendant, j'aimerai qu'il y ait la plus parfaite entente entre vous." Les jours passèrent et la troisième épouse se retrouva enceinte. Les deux autres en furent très jalouses, d'autant plus qu'elles n'avaient pas accompli leurs promesses. "Et si en plus, elle a un garçon avec une corne d'or et une corne d'argent ? Il l'aimera forcément plus que nous … Elle aura plus de faveurs que nous", se disaient-elles. Inquiètes, elles allèrent consulter une settouta afin qu'elle les aide à trouver une solution pour se débarrasser d'elle. Tout fut arrangé. Le jour où la malheureuse ressentit les douleurs de l'accouchement, elles appelèrent la settouta. Celle-ci arriva pour l'aider à mettre au monde l'enfant… Et en effet, cette nuit-là, naquit un garçon avec une corne d'or et une autre en argent. Avec l'aide des deux épouses, la settouta enroula le bébé dans une couverture, le mit dans une corbeille et le jeta dans une rivière. Elle mit à la place, un affreux corbeau noir.

3) La pauvre malheureuse avait tellement souffert pendant l'accouchement, qu'elle ne se rendit compte de rien. Lorsqu'elle vit le corbeau prés d'elle et qu'on lui dit que c'était elle qui l'avait mis au monde, elle eut tellement honte qu'elle n'osait plus regarder personne. Quant au roi, il était tellement déçu et tellement en colère, qu'il ordonna qu'on la jeta avec les chiens et qu'on l'appela désormais "la mère du corbeau". Les deux autres étaient contentes, elles étaient débarrassées d'elle. Et le pauvre petit bébé… Dieu eut pitié de lui… Le soir même, un bûcheron passant par-là le trouva. Il le recueillit et le traita comme si c'était son propre enfant. Les jours passèrent, le garçon grandit et lorsqu'il fut un beau jeune homme, le bûcheron et sa femme lui apprirent qu'ils n'étaient que ses parents adoptifs et qu'ils ne savaient pas d'où il venait, puisqu'ils l'avaient trouvé dans une corbeille au bord de la rivière. Bien qu'il les aimait énormément, il ne put s'empêcher de prendre la décision d'aller à la recherche de ses propres parents. Il s'en alla avec leur bénédiction,

4) promettant de revenir très bientôt. D'une ville à une autre, après plusieurs mois de marche, il arriva dans le royaume de son père. Là, il entendit parler de "la mère du corbeau", l'épouse du roi, qui avait mis au monde un affreux corbeau noir alors qu'elle avait promis au roi de lui donner un garçon avec une corne d'or et une corne d'argent. On lui dit qu'elle vivait toujours dans le royaume, qu'elle gardait les chameaux et qu'elle dormait avec les chiens. Il alla se présenter au roi et sans rien dire, enleva la coiffe qui lui couvrait toute la tête et le front, et qu'il portait depuis qu'il était enfant. Le roi n'en revenait pas. « Qui es-tu ? lui demanda-t-il. Approche ici, Qu'as-tu sur le front ? Des cornes ? C'est en or, C'est en argent ? » - « Je ne sais pas, répondit le jeune homme. Mais je viens d'apprendre que mon père et ma mère avec lesquels j'ai vécu depuis que je suis né, ne sont en fait que mes parents adoptifs. Ils m'ont recueilli, alors que j'étais abandonné au bord d'une rivière. Et j'aimerai connaître mon histoire ! » Le roi convoqua sur-le-champ "la mère du corbeau"

5) et toutes les personnes qui l'avaient assistée pendant l'accouchement. Lorsque les deux épouses et la settouta virent ce beau jeune homme avec une corne d'or et une corne d'argent, elles s'évanouirent. Quant à "la mère du corbeau", sa joie était si grande, qu'elle se mit à faire des youyous, oubliant toutes ses années de malheur. Elle pleurait de bonheur en embrassant son fils et en le serrant très fort contre elle. Le roi ordonna qu'on brûla immédiatement la settouta et les deux épouses car il avait tout compris. Il demanda à la mère de son fils, ce qu'il pouvait faire pour qu'elle lui pardonna. « Je te pardonne, lui dit-elle, car tu étais très malheureux. Mais si tu veux que je sois vraiment heureuse, j'aimerai que tu ramènes les parents adoptifs de mon fils, vivre avec nous dans le palais. Sans eux, il serait peut-être mort et nous aurions continué à être malheureux toi et moi ! ». Et le roi fit venir le bûcheron et son épouse et les traita comme un couple princier. Depuis, on entendit tous les jours la musique et les chants dans ce palais, où tout le monde vivait heureux.


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Conte du chat N° : 108

Conte du chat


1) Un jour parmi les jours de Dieu. Un vieil homme avait un moulin, trois fils, un âne et un chat. Quand l'heure de la mort arriva, il réunit ses enfants et fit le partage : à l'aîné, il légua le moulin, au puîné le bourricot et au cadet le chat. Et il ne tarda pas à mourir. Les deux grands frères prirent sa place, le plus jeune au chat se dit : Aux aînés, il a laissé le moulin et l'âne. Ils peuvent s'associer ; l'un moudra le grain l'autre le transportera. Et moi, j'ai un chat. Qu'en ferai-je ? Si je le tue, je le mangerai en un repas... Si je le vends... qui achètera un chat ? Le chat était à coté et avait tout entendu. Il dit : Ne crains rien. Si tu suis mes conseils, tu ne manqueras de rien. Le jeune homme fut d'abord étonné : Louanges à Dieu qui fait parler les animaux ! Puis répondit au chat : Même si je t'écoutais, que pourrais-tu changer pour moi ? Nous ferons ce que Dieu voudra bien permettre. Il ajouta : Achète-moi des sandales de cuir, une calotte, un serroual et un sac. Le jeune homme les lui acheta le jour du marché. Le chat revêtit les habits et fut content. Il jeta le sac sur son épaule et déclara : Je m'en vais. Toi, occupe-toi de tes affaires et attends-moi ici. Le chat alla dans les champs, il choisit une aire de

2) battage fréquentée par les lapins. Il disposa le sac en piège et le maintint ouvert à l'aide d'un dispositif de ficelles et de branchettes. Il dispersa un peu de son à l'ouverture du sac et en mit en bonne poignée à l'intérieur. Puis il alla se dissimuler dans les cactus où il se mit à l'affût. Les lapins arrivèrent un moment après. Ils jouèrent sur l'aire, virent le son, et se mirent à manger. Ils se rapprochaient ainsi du sac, dans lequel certains pénétrèrent. Le chat tira la ficelle et en prit ainsi quelques-uns. Il égorgea quelques bêtes et garda les autres vivantes. Dans ce pays, il y avait un Roi. Le chat lui offrit les lapins vivants en disant que c'était un présent de son maître, Sid el Câïd. Le Roi accepta les bêtes et pria le chat de remercier Sid el caïd. Le chat revint à la maison. Il ramenait avec lui des lapins égorgés. Ils les firent cuire et les mangèrent. Une autre fois, le chat piégea des perdrix et en offrit encore au Roi, "de la part de Sid el caïd". Il en fut ainsi pour les étourneaux, les grives, les palombes, les tourterelles... Un jour le Roi lui dit : Sid el caïd m'a beaucoup honoré. Il est temps que je fasse sa connaissance. Dis-lui de venir ; je l'invite à m'accompagner à la chasse. Le chat répondit :

3) Si tu veux, je lui dirai de t'attendre sur la route près de la rivière. Ils fixèrent le jour de la rencontre et le chat partit. Le chat revint à la maison et informa son maître qui accueillit la nouvelle avec consternation : il ne savait comment affronter le Roi, n'étant ni caïd, ni chasseur... Le chat le rassura et lui dit : tu n'as qu'à y aller et te taire. Le jeune homme se résigna : Par Dieu qui m'a imposé cette épreuve, je t'accompagnerai ! et advienne ce que Dieu aura voulu ! Ils se rendirent à la rivière au jour convenu. En arrivant le chat dit à son maître : Prépare-toi ; quand le Roi arrivera, déchire tes habits et jette-toi à l'eau, et attends. Et ils guettèrent l'arrivée du Roi. Lorsque ce dernier fut en vue, Sid el caïd se jeta à l'eau et le chat se mit à crier : Accours, Oh Roi ! la rivière emporte Sid el caïd ! Le Roi donna des ordres à sa suite pour qu'on repêchât Sid el caïd. Le chat dit aussitôt : Attends. Tout son linge est déchiré. Le Roi demanda qu'on offrit un de ses costumes à Sid el caïd. On sécha Sid el caïd ; on habilla Sid el caïd, et il prit place dans la calèche du Roi, en silence. Le Roi, Sid el caïd et la troupe reprirent la route. Le chat précédait. Il coupait à travers champs et disparut bientôt à

4) leur vue. Le chat marcha... marcha... et il rencontra un groupe de moissonneurs. Il les salua et leur demanda à qui appartenait le champ. Ils répondirent : C'est la propriété de l'ogre. Il leur dit : Je vous préviens ; le Roi va arriver, il vous posera la même question. Si vous répondez que c'est la propriété de l'ogre, il vous coupera la tête. Dites que tout appartient à Sid el caïd. Peu près, le Roi arriva et les interrogea. Ils répondirent : C'est la propriété de Sid el caïd. Le Roi se tourna admiratif vers Sid el caïd et lui dit : Belle terre que tu as là ! Ce n'est rien ! Répondit Sid el caïd. Le chat rencontra ensuite des ouvriers qui cueillaient du raisin, des pastèques, des melons, des poires, des figues... Chaque fois il leur demandait de répondre que c'était la propriété de Sid el caïd. Chaque fois le Roi disait son admiration et chaque fois Sid el caïd répondait que ce n'était rien. Le chat arriva devant un château. Il frappa à la porte et demanda à qui était cette maison. On lui répondit : C'est la demeure de l'ogre ; on te conseille de fuir si tu ne veux pas être dévoré. Le chat dit : Je suis venu le voir. Menez-moi devant lui. L'ogre lui dit : Parle vite. Qu'es-tu venu faire ? Que veux-tu ? Seigneur l'ogre, je co

5) nnais ta réputation. Et je viens voir si ce qu'on raconte est vrai. Qu'est-ce qu'on raconte ? Que tu peux te changer en lion. L'ogre gonflé d'orgueil se transforma en un lion gigantesque et rugissant. Le chat, effrayé, se réfugia sur le toit. L'ogre redevint l'ogre et rit : Descends, n'aie pas peur. Le chat redescendit admiratif, il prit le ton le plus humble pour dire : On raconte aussi une chose qui me semble impossible, que tu peux te métamorphoser en souris. Bien sûr ! Regarde bien. Et il se transforma en petite souris. Le chat sauta sur la petite bête et la mangea. Il réunit les domestiques de l'ogre et leur déclara : L'ogre est mort. Le Roi va arriver avec ses hommes et Sid el caïd. Vous sortirez tous lui souhaiter la bienvenue dans le château de Sid el caïd. Sinon il vous coupera la tête. Le chat alla accueillir les arrivants et dit : Bienvenue ô Roi dans la maison de Sid el caïd. Tout le monde entra dans le château. On mangea, on but et on s'installa pour la nuit. Le Roi dit : Sid el caïd, tu as plus de bien que moi. Je te donne ma fille et je te lèguerai mon trône. Sid el caïd épousa la fille du Roi et il succèda à son beau-père. Le chat devint alors le conseiller le plus en vue et le plus avisé du nouveau Roi.


L'on raconte qu'aux temps anciens, il était une jeune femme très belle, aussi belle que la lune. Et cette femme, les nuits de pleine lune, se fardait, peignait et parfumait ses longs cheveux, revêtait ses habits les plus riches, se parait de tous ses bijoux et sortait.
Pour mieux découvrir le ciel, elle gagnait une hauteur. Et là, elle levait son visage resplendissant vers la lune et lui demandait :
Qui de nous est la belle, Ô lune, qui de nous est la belle ? Et la lune lui répondait :
Toi et moi sommes également belles, mais la fille que tu portes en toi nous passera en beauté. Et la jeune femme se lamentait et maudissait l'enfant qui était dans son sein.
Pendant des mois, elle se tourna ainsi vers la lune pour lui demander :
Qui de nous est la belle, Ô lune, qui de nous est la belle ? Et chaque fois la lune répondait :
Toi et moi sommes également belles, mais la fille que tu portes en toi nous passera en beauté.
Au terme de sa grossesse, elle mit au monde une fille à la chevelure d'or, une fille aussi belle que lune en plein ciel. On l'appela Jedjiga : Fleur. Chaque jour augmentait sa beauté. Les voisines disaient à sa mère :
Certes, belle tu l'es. Mais la beauté de ta fille éclipsera la tienne.
Et la jeune femme, en entendant ses mots, sentait le poignard de la jalousie la transpercer. Elle se dit dans son cœur :
Lorsque cette enfant sera devenue adolescente, nul ne me regardera plus.
L'enfant avait huit ans. Elle était pleine de vie et de grâce. Sa mère lui dit un soir :
Demain, nous mettrons sur le métier une grande couverture. Nous irons planter les montants dans la campagne. La voisine nous accompagnera.
Au matin, elle prit deux montants bien solides et une grosse pelote de laine. Elle appela la voisine et toutes deux partirent emmenant la fillette. Elles laissèrent le village loin derrière elles et atteignirent une colline. Elles s'arrêtèrent. La mère dit alors à l'enfant :
Nous allons enfoncer les montants dans la terre. Toi, tu feras courir la laine entre nous. Te voici grande, tu pourras bien tenir la pelote ?
La mère savait bien ce qu'elle faisait. La fillette se mit à faire courir la laine.
Plus vite ! Plus vite ! lui dit sa mère.
La pelote était lourde. Elle s'échappa des mains de l'enfant et se mit à rouler.
Cours et rattrape-la ! Cria la mère.
L'enfant s'élança. La mère coupa le fil et la pelote roula plus vite, encore plus vite, entraînant Jedjigha vers le ravin. Puis brusquement, la pelote disparût.
La fillette la chercha vainement dans les ronces et les buissons. Revenir en arrière ?... Elle avait perdu son chemin. Alors elle marcha au hasard sur ses petites jambes. Elle marcha longtemps, elle marcha jusqu'à l'orée de la forêt. C'est alors qu'elle découvrit, à demi-masquée par une épaisse végétation, l'entrée d'une caverne. Elle se fraya un passage et entra. La caverne était profonde. Lorsqu'elle eut fait quelques pas et qu'elle se fût habituée à la pénombre, l'enfant vit, enroulé sur lui-même comme un énorme bracelet, un serpent. Elle poussa un cri. Il dressa la tête, ouvrit les yeux comme des étoiles et la regarda. Il regarda la petite fille que Dieu seul avait pu créer. La course avait rendu son visage semblable à une rose ; les épines avaient égratigné ses pieds et ses mains. Ses vêtements étaient déchirés. Tant de beauté éblouit le serpent ; tant de grâce et de faiblesse l'émut. Il remercia Dieu dans son cœur. L'enfant tremblait. Il lui dit :
Ne crains rien, je ne te ferai aucun mal. Mais dis-moi, petite fille, ce qui t'a conduite jusqu'à moi.
Elle était sur le point de pleurer mais entendant le serpent lui parler dans un langage humain, elle se sentit rassurée. Elle lui dit :
Je tenais une pelote de laine : elle était lourde. Elle est tombée de mes mains et elle a roulé, roulé. Je l'ai suivie...Je l'ai perdue de vue et j'ai continué à marcher jusqu'ici.
Il prit de l'eau pour lui laver le visage, les mains et les pieds. Il la fit asseoir et lui servit à manger. Elle mangea de la galette de blé et but du lait. Dans un endroit bien abrité, il lui étendit une couche et l'y conduisit pour qu'elle se reposât.
Il faut dire que ce serpent n'était pas un véritable serpent. D'abord, il avait commencé par être un homme heureux : il possédait une maison, une femme, de nombreux champs et toutes sortes de biens et de richesses. Mais une nuit, par mégarde, il marcha sur un serpent. Ce serpent le regarda, se dressa et lui soufflant son haleine au visage, lui dit :
Tu m'as écrasé. Tu deviendras serpent comme moi et tu le resteras tant que je vivrai, afin que les hommes te foulent aux pieds !
C'est ainsi qu'il fut changé en serpent. Il abandonna sa famille, sa maison et tous ses biens. Il déserta le monde et se réfugia dans la forêt. Il se rapprocha des bêtes, se mit à vivre à leur façon, à se nourrir de chair et de sang. Mais si son corps était celui d'un serpent, son cœur et son esprit étaient restés ceux d'un homme. Il n'avait fui ses semblables que dans la crainte d'être écrasé par eux. Mais la solitude lui était amère. Elle le minait. Depuis longtemps il n'avait vu l'ombre d'un être humain lorsque lui apparût la fillette. C'est pourquoi, à la vue de son visage de rose et de ses petits membres fatigués, le cœur du serpent se fondit de tendresse.
L'enfant s'était endormie. Il sortit, tua deux perdrix, cueillit des légumes et des fruits, et rentra. Il alluma le feu, mit en train le repas et alla réveiller la fillette. Il lui demanda avec douceur :
Quel est ton nom ? Quel est le nom de ton village et celui de tes parents pour que je te conduise vers eux ?
Elle répondit :
Je m'appelle Jedjiga, mais je ne sais ni le nom de mes parents ni celui de mon village.
Le serpent qui ne pouvait reparaître aux yeux des humains se tut. Il réfléchit longuement, promena ses regards autour de lui et finit par dire :
Tu resteras ici jusqu'à ce que Dieu t'ouvre un chemin. J'épouse ta faim et ta soif : tu seras mon enfant. Mais tu devras m'obéir et ne jamais dépasser le seuil de la caverne. Nous sommes ici dans le royaume des bêtes ; il pourrait t'arriver malheur si tu t'aventurais.
Le serpent l'éleva. Il fut pour elle à la fois un père et une mère. Il lui apprit à préparer les repas et à aimer l'ordre. Il la combla, l'entoura de tendresse. Elle lui obéit tant qu'elle était petite ; devenue adolescente, elle connut l'ennui. Elle eut la nostalgie du ciel, du soleil. Elle voulut découvrir le monde.
Le serpent la laissait souvent seule pour aller chasser et couper du bois : elle mit à profit ces absences. Tout d'abord elle se contenta de regarder timidement au travers des hautes herbes et des branches qui cachaient l'entrée de la caverne. Et puis elle s'aventura au dehors. Mais elle rentrait toujours avant que le serpent ne revint.
Un jour, un bûcheron l'aperçut et fut émerveillé. Comme il approchait pour la mieux considérer, elle disparut. De retour au village, il raconta son aventure à qui voulait l'entendre :
J'allais couper du bois dans la forêt lorsque je vis sortir de terre une créature, une créature... une nappe d'or la couvrait jusqu'aux pieds. La lumière qui en émanait m'éblouit. Sans doute était-ce la fée gardienne de la forêt ? Je voulus m'approcher pour voir son visage, mais elle avait déjà disparu !
Cette histoire, de l'un à l'autre colportée, arriva aux oreilles du prince qui n'hésita pas à interroger le bûcheron.
Prince, répondit le bûcheron, une créature m'est bien apparue à l'orée de la forêt. Elle était debout, contre un arbre. Etait-ce un ange, une fée ?... Son visage défiait la lumière. Une nappe d'or l'habillait. Quand je voulus regarder de plus près, je m'aperçus qu'elle n'était plus là !

Demain, au point du jour, tu me conduiras où elle t'est apparue, dit le prince.
Le lendemain, la jeune fille finit par se montrer à l'entrée de la caverne. La nappe d'or qui l'habillait, c'étaient ses cheveux. Et c'est tout ce que virent d'elle le prince et le bûcheron qui la guettaient à travers le feuillage. Le prince décida de rester seul pour savoir si l'étrange créature était mortelle ou fée.
La jeune fille demeura longtemps sur le seuil et puis elle rentra. Peu après, le prince vit cette chose qui le stupéfia : le serpent qui avançait debout, portant des légumes, des fruits et du gibier car, lorsqu'il était chargé, il ne rampait pas ! Le serpent déjeuna, fit la sieste (c'était l'été) et sortit à la fraîcheur pour faire sa promenade. Alors, le prince put approcher de la caverne et contempler la jeune fille. Elle se tenait appuyée à un arbre, et elle portait à sa bouche des grains de raisin. Il pensa : "puisqu'elle mange, je puis l'aborder !" Il écarta les branches et lui dit en s'avançant :
Au nom de Dieu, je t'en prie, dis-moi qui tu es, créature !
Elle répondit :
Je suis un être comme toi. Je suis la fille du serpent.
Il la regarda tandis qu'elle parlait, s'émerveillant de son visage épanoui comme une rose. Il l'interrogea sur son village, sur ses parents. Elle répondit :
C'est ici, dans cette caverne, que j'ai vécu et grandi. Le serpent m'a élevée : je suis sa fille. Mais c'est à son insu que je sors. Ne va pas le lui dire, ni lui raconter que tu m'as vue surtout ! Et elle rentra.
Le prince s'en alla trouver son père ; il lui déclara :
Je veux épouser la fille du serpent.
Le roi s'indigna. Le prince tomba malade d'un grand mal. La fièvre ne le quitta ni jour ni nuit. Le roi finit par demander :
Mon fils, qu'est-ce qui te guérirait ?
Laisse-moi épouser la fille du serpent, dit le prince, et tu verras que je guérirai.
Comme le prince dépérissait de jour en jour, le roi céda. Il se rendit chez le serpent et lui dit :
Donne-moi ta fille pour mon fils.
Le serpent répondit :
Roi, il y a sept ans qu'elle est venue à moi. Je l'ai élevée comme ma fille. Elle m'est plus chère que le haut-ciel. Mais puisque, ô roi, tu la veux, la voici : je te la confie. Comble-la de présents et veille sur elle comme je l'ai fait moi-même jusqu'ici. Quant à moi, je ne te demanderai qu'une chose : une outre de sang.
Le jour où elle devait se séparer de lui pour suivre le roi à la cour, le serpent dit à la jeune fille :
Va ma fille, sois vaillante, va et ne regarde surtout pas en arrière mais toujours en avant !
Elle monta une jument toute caparaçonnée de soie et le roi l'escorta. Mais au bout d'un moment elle s'écria :
J'ai oublié mon peigne !
Elle descendit de sa monture et courut vers la caverne où elle surprit le serpent en train de se repaître de sang. Elle le vit changer d'expression. Il lui dit, tout honteux :
Ne t'avais-je pas recommandé de ne pas revenir en arrière ?...Tu t'en repentiras !
Elle s'en retourna tout effrayée vers le roi.
Elle vécut heureuse à la cour durant quelques mois. Le prince, son mari l'aimait tendrement. A la grande joie de toute la famille royale, elle mit au monde un enfant aux cheveux d'or, un enfant à sa ressemblance. Elle garda le lit quarante jours et puis, un matin, elle se leva pour se mêler à la vie de la cour. Lorsqu'elle revint vers l'enfant, il avait disparu. On le chercha partout, on remua ciel et terre pour le retrouver mais en vain.
L'année suivante, elle eut un nouvel enfant, un enfant comme le premier, à la belle chevelure d'or. Au bout de quarante jours, il disparut aussi. Le roi et la reine dirent alors à leur fils :
Remarie-toi ! Quel bien peut-il nous venir de la fille du serpent ?
Mais le prince qui mettait son espoir en Dieu répondit à la reine et au roi :
J'ai choisi Jedjiga pour elle-même et non pour les enfants qu'elle me donnerait.
La jeune princesse eut successivement sept garçons, sept garçons à la chevelure d'or qui tous, lui furent ravis quarante jours après leur naissance. Elle fut surnommée : "celle qui croque ses enfants". Mais le prince l'aimait toujours.
Huit ans s'étaient écoulés depuis que Jedjiga avait quitté la caverne du serpent pour la cour du roi quand un soir, elle dit au prince :
Demain, conduis-moi vers mon père, afin qu'il me pardonne... Il fit selon son désir.
Comme ils arrivaient près de la caverne, le prince et la princesse virent six petits garçons aux cheveux d'or qui jouaient et se poursuivaient de façon charmante. Un vieillard élevait dans ses bras le septième enfant aux cheveux d'or.
La princesse cherchait des yeux le serpent. Alors le vieillard s'avança et lui dit :
Ne le cherche pas, c'est moi. Il y a longtemps, une nuit, j'ai marché sur un serpent par mégarde. Il s'est vengé en me rendant serpent comme lui. Mais il est mort et son pouvoir sur moi est mort. Il dit encore :
Le jour où tu m'as quitté pour aller vers ton époux, je t'avais recommandé de ne pas revenir en arrière. Tu es revenue et tu m'as surpris en train de boire du sang. Tu m'as humilié et je t'ai dit : "Tu t'en repentiras".
Il tendit à la princesse le bébé qu'il avait dans les bras et se tourna vers le prince :
C'est moi, prince, qui suis venu chercher tes enfants les uns après les autres pour punir ma fille. Je les ai élevés avec tendresse, comme j'ai élevé leur mère. Sept fois, prince, tu t'es trouvé devant un berceau vide et tu n'as pas humilié ma fille. Tu l'as aimée au contraire et tu l'as protégée. Voici tes enfants... je te les rends. Et il poussa vers lui les six enfants aux cheveux d'or.
Mon conte est comme un ruisseau, je l'ai conté à des seigneurs...