A ce stade de sa carrière, Van Damme peut tout se permettre, y compris la folie de vouloir prouver qu'il est aussi un acteur, un vrai, un oscarisable. Si personne n'en doute dans son public de fans hardcore - déjà éblouis par la performance toute en nuance et en finesse de Double Impact -, le reste du monde, moins la Belgique qui se trémousse de douleur, se marre d'avance. Cavale sans issue (Nowhere to Run - 1992) est un joli projet au budget d'une quinzaine de millions de dollars. La star fait appel à Robert Harmon, réalisateur ayant un chef d'œuvre discret à son actif (Hitcher), et débauche, pour jouer à ses côtés, Rosanna Arquette. Grands espaces, beaux sentiments, émotions, amitié, amour, chants d'oiseaux, Van Damme joue sur la corde sensible, prend plaisir à se trouver une fois de plus là où on ne l'attend pas, et surprise, ce quasi remake de Shane, l'homme des vallées perdues est une petite réussite, l'un des films les plus attachants de l'acteur, qui joue ici plus qu'il ne frappe. Qu'en est-il des scènes dramatiques? Contre toute attente, s'il ne révolutionne pas l'Actor's studio, la star tire son épingle du jeu, réussit à faire transparaître de véritables émotions, notamment dans les scènes qu'il partage avec le débutant Kieran Culkin, incroyablement plus talentueux que son frère Macaulay (celui des Maman j'ai raté l'avion). Pourquoi avoir pris le risque de déplaire à ses fans? Tout simplement parce que Jean-Claude sait qu'il possède dans sa manche un atout de taille. En cas de plantage au box-office (et Cavale sans issue est en effet un succès tout relatif), son film suivant le remettra sur les rails de la gloire: un projet homérique, produit par Sam Raimi, et réalisé par un petit génie chinois qui renouvelle depuis quelques années les bases du cinéma d'action via des chefs d'œuvre colossaux (The Killer, Une balle dans la tête...), John Woo. Le cinéaste, que le tout Hollywood s'arrache, cherche un projet taillé sur mesure dans lequel il pourra prouver son aptitude à travailler selon un modèle américain. Chasse à l'homme (Hard Target - 1993) sera ce billet d'entrée. Aujourd'hui mal aimé et surtout mal compris, ce film monumental sonne comme la matrice de l'œuvre à venir de l'acteur. |