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DJEHA ET TAMERLAN N° : 43

Retour à l'envoyeur



Djeha était sûr, qu'il n'y avait pas, au monde, de prunes plus succulentes que celles de son prunier. Un jour il en choisit trois parmi les plus grandes et les plus belles de son arbre préféré. Il les mit sur un plateau, qu'il posa soigneusement en équilibre sur sa tête et se dirigea vers la maison de Tamerlan. Il était sûr que Tamerlan apprécierait ces fruits. Comme Djeha marchait, les prunes ont commencé à tanguer sur son plateau.
- Parce que vous êtes là où je ne peux pas vous voir, dit-il aux prunes, vous pensez que vous pouvez tourbillonner comme trois derviches tourneurs. Les trois prunes ont continué de tournoyer sur le plateau, à chaque pas de Djeha.
- Arrêtez de danser, leur dit Djeha, si vous continuez ainsi, je vous punirai en vous mangeant. Les trois prunes virevoltaient toujours. Djeha ne pouvait rien y faire. Aussi, pour tenir sa promesse, il s'est assis sous un peuplier et a mangé une prune, puis une autre. Parlant sévèrement à la troisième prune, il lui dit :
- Si je te donne une autre chance, te tiendras-tu tranquillement sur le plateau ?
Cette dernière prune solitaire semblait mieux se comporter et a repris sagement sa place au milieu du plateau sur la tête de Djeha, qui se dirigeait vers la demeure de Tamerlan. Ce dernier, qui était de bonne humeur, reçut Djeha avec la courtoisie due à un invité d'honneur. Jurant qu'il n'avait jamais goûté de prune aussi délicieuse, il n'a fait aucune allusion au fait qu'il n'y en avait qu'une. Il a beaucoup ri des blagues de Djeha, en demandant chaque fois d'autres. Finalement, quand Djeha s'est rendu compte qu'il devait se dépêcher
pour être à la maison avant la tombée de la nuit, Tamerlan remplit son plateau de cadeaux. Au bout d'une semaine, il décida qu'il était temps de rendre visite de nouveau à Tamerlan.
- Quel cadeau dois-je prendre pour lui offrir? Se dit-il, en regardant le plateau vide. Les prunes étaient maintenant trop mûres pour supporter le voyage.
- Et pourquoi pas quelques bonnes betteraves rouges ? Pensa Djeha, regardant toujours le plateau vide. Oui, les betteraves feront bien l'affaire. Elles sont trop fermes pour s'écraser, même si elles s'avisaient de danser sur le plateau.

Djeha est allé prendre, dans son jardin, quelques-unes de ses betteraves les plus rouges et les plus fermes. Il les a posées sur le plateau, a équilibré ce dernier sur sa
tête et se dirigea joyeusement vers la maison de Tamerlan. En cours de route, il rencontra son bon ami Mouloud.
- Où portes-tu ces excellentes betteraves, Djeha Effendi ? Demanda Mouloud.
- Ces betteraves sont un cadeau pour Tamerlan, répondit Djeha.
- Quoi, des betteraves - pour - Tamerlan ? S'exclama Mouloud, perplexe.
- Est-ce que les betteraves ne sont pas un beau cadeau pour Tamerlan ?
Djeha déposa le plateau et regarda les betteraves comme pour la première fois. Elles lui ont semblé moins belles que quand il les avait cueillies.
- Peut-être quelque chose d'autre serait meilleur ?
- Oui, quelque chose d'autre, mais quoi par exemple ?
- Des figues ! Suggéra Mouloud, des figues bien mûres et juteuses, fraîchement cueillies.
Djeha s'est demandé pourquoi il n'y avait pas pensé plus tôt. Il s'est dirigé vers le marché où il a négocié ses betteraves pour un plateau de figues mûres et juteuses.
- Vous avez de la chance, lui dit le vendeur, d'avoir tant de figues succulentes pour quelques banales betteraves.

Cependant, le vendeur de figues se dit - sans que Djeha l'entende - :
- J'ai de la chance de me débarrasser de ces figues. Elles sont tellement mûres que j'étais prêt à les jeter.
Djeha a continué son chemin vers la cour de Tamerlan, qui n'était pas de bonne humeur, plutôt bougon, renfrogné, avec sa tête des mauvais jours. Le sourire de
Djeha et son plateau de figues trop mûres étaient plus qu'il ne pouvait supporter. Toute la journée, il avait cherché quelqu'un sur qui apaiser sa grogne. Là était sa chance.
- Venez immédiatement ! Ordonna t-il à ses domestiques.
Six d'entre eux arrivèrent en courant.
- Prenez les figues de cet homme et jetez-les sur lui, une par une et aussi fort que vous pouvez.
Djeha s'est mis à courir, poursuivi par les domestiques et … les figues. Pas une figue ne l'a raté. Djeha courait toujours, si rapidement que ses chaussures flottantes le
lui permettaient, quand il rencontra Mouloud.
- Oh Mouloud Effendi ! Laisse-moi te remercier sept fois en ce bas monde pour ce que tu as fait pour moi !
Dit Djeha
Mouloud regarda fixement Djeha, tout éclaboussé de jus vert et rouge, les figues écrasées dégoulinant de ses vêtements.
- Oh Mouloud Effendi ! Je te remercie sept fois au paradis pour ce que tu as fait pour moi ! Ajouta Djeha. Mouloud, qui connaissait les façons de faire de Tamerlan, a commencé à comprendre ce qui avait dû arriver.
- Pourquoi me remercies-tu ? Demanda-t-il à Djeha qui répliqua :
- Oh ! Quelle bonne idée que j'ai eue en te demandant conseil – ton sage, sage conseil.
- Pourquoi ? Demanda Mouloud, toujours aussi perplexe.
- Si j'avais donné des betteraves rouges et fermes à Tamerlan, expliqua Djeha, ses domestiques m'auraient jeté des betteraves bien fermes. Imagine alors quel homme contusionné et brisé j'aurais alors été.

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SAVANTS, IGNORANTS ET DJEHA N° : 48

Érudits et Ignorants



Il y avait un seul jour de la semaine qui inquiétait Djeha. Durant six jours, il était aussi libre qu'un papillon. Il pouvait bavarder avec ses amis sur la place du marché ou se rendre à dos d'âne au village voisin. Il pouvait travailler dans son vignoble ou aller chasser dans les collines. Il pouvait se rendre au café ou flemmarder au soleil sur sa terrasse. Il n'y avait rien pour le bousculer, pour être à une certaine place ou à un certain moment ni pour faire telle ou telle chose.

Mais le vendredi était différent, beaucoup plus différent. C'est le jour où tous les bons musulmans se rendent à la mosquée. Parce que Djeha avait, des années auparavant, suivi l'école coranique, on lui demandait, chaque vendredi, de monter à la chaire de la mosquée et de faire un sermon. Cela lui convenait quand il avait quelque chose à dire, mais il y avait nombre de vendredis où il n'avait pas plus d'idées que son petit âne gris. C'est une chose que d'échanger des histoires avec ses amis au café, cela en est tout à fait une autre que de parler, du haut de la chaire, à une nombreuse et attentive assistance. Les hommes, accroupis sur leur tapis de prière, le regardaient avec une mine solennelle. Derrière le treillage, les femmes attendaient aussi. Bien sûr, la psalmodie, qui venait avant le sermon, n'était pas difficile pour lui, car tous les hommes y participaient, s'inclinant jusqu'à toucher le sol avec leur front. Mais le sermon c'est cela qui était difficile.

Un vendredi, il marchait plus lentement que d'habitude dans les rues pavées d'AkShehir et s'arrêta à la porte de mosquée pour y laisser ses chaussures. Il bavarda avec les autres hommes qui prenaient place sur les tapis épais et moelleux. Eux pouvaient s'accroupir sur les tapis, alors que lui devait monter à la chaire surélevée. Peut-être la beauté de la mosquée lui donnerait-elle une idée ? Il leva les yeux vers le plafond, mais aucune pensée ne lui vint. Il observa les mosaïques sur les murs, mais il n'y trouva aucune aide. Il scruta les visages des hommes qui le regardaient fixement. Il entendait les chuchotements et les rires discrets des femmes voilées, assises derrière le balcon grillagé.

Il se devait de dire quelque chose.
- Oh, gens d'AkShehir ! Savez-vous ce que je vais vous dire ?
- Non ! Répondirent, d'une seule voix, hommes et femmes.
- Vous ne savez pas ? Dit Djeha. Vous êtes sûrs de ne pas savoir ? Alors à quoi cela sert-il de parler à des gens qui ne savent rien sur un sujet aussi important.
Mes mots ne seront d'aucune utilité pour des gens aussi ignorants. Alors, il descendit de sa chaire et s'en alla. Le vendredi suivant, confronté à la même difficulté, il dit :
- Oh, gens d'AkShehir ! Savez-vous ce que je suis sur le point de vous dire ?
- Oui, répondirent d'une seule voix hommes et femmes, se rappelant ce qui était advenu après leur "non" de la semaine précédente.
- Vous savez ? Dit Djeha. Si vous êtes sûrs de savoir ce que je vais dire, je n'ai alors pas besoin de le dire.
Pourquoi perdre des paroles précieuses à dire ce que vous savez déjà ?
Alors, il descendit de sa chaire et s'en alla. Le troisième vendredi, le retrouva encore en haut de la chaire, avec la même difficulté d'exprimer quelque chose. Il dit alors :
- Oh, gens d'AkShehir ! Savez-vous ce que je suis sur le point de vous dire ?
- "Non", répondirent certains, "Oui" répliquèrent d'autres.
- Certains d'entre vous savent, d'autres ne savent pas !
Dit Djeha qui, se frottant les mains, ajouta :
- Que ceux qui savent l'apprennent à ceux qui ne savent pas !